Par Pr. Salif GAYE — Ambassadeur de la Paix, GPPI Sénégal
À l’occasion du 65ème anniversaire de l’indépendance du Sénégal, Son Excellence Monsieur Bassirou Diakhar FAYE, Président de la République, a lancé une initiative majeure en appelant à l’ouverture d’un dialogue social axé sur les enjeux politiques. Ce geste fort marque une volonté claire de refonder le pacte républicain sur des bases plus inclusives, dans un contexte national où les attentes citoyennes en matière de transparence, d’équité et de participation n’ont jamais été aussi fortes.
Toutefois, l’expérience montre que sans une architecture institutionnelle solide, de telles initiatives peuvent rester symboliques ou être perçues comme des instruments conjoncturels de légitimation politique. C’est pourquoi il devient impératif d’inscrire ce dialogue dans une dynamique pérenne, rigoureuse et ancrée dans un cadre institutionnel structuré. Cela permettrait non seulement d’en garantir l’impact, mais également d’en faire un levier de consolidation de la démocratie sénégalaise.
Dans cette perspective, il est pertinent de s’inspirer de modèles ayant déjà fait leurs preuves sur le continent. L’Afrique du Sud, par la Commission de la Vérité et de la Réconciliation, a su créer un espace de vérité et de réparation après l’apartheid. Le Rwanda, quant à lui, organise chaque année les forums Umushyikirano, de véritables laboratoires d’innovation démocratique où citoyens, dirigeants et experts échangent de manière structurée sur les grandes orientations politiques du pays. Ces expériences démontrent que l’efficacité du dialogue social repose sur trois piliers essentiels : son caractère institutionnalisé, sa capacité à intégrer toutes les voix, et son articulation claire avec les priorités nationales.
Pour le Sénégal, l’opportunité historique qui s’ouvre aujourd’hui pourrait être saisie pour renforcer le Haut Conseil du Dialogue Social (HCDS) en le transformant en une instance de concertation permanente, inclusive et dotée d’un pouvoir de proposition renforcé. Ce Conseil, réuni de manière régulière, intégrerait les représentants de l’État, des syndicats, du secteur privé, de la société civile, des organisations de jeunesse et de la diaspora. Il pourrait produire une feuille de route quinquennale alignée sur les priorités du gouvernement, publier un rapport annuel sur l’état du dialogue social et proposer des réformes législatives orientées vers une meilleure gouvernance démocratique.
Une attention particulière devrait être accordée à l’efficacité du suivi. L’un des points faibles des initiatives antérieures réside dans l’absence de mécanismes d’évaluation des engagements pris. Pour y remédier, la mise en place d’une plateforme numérique nationale, ouverte au public, permettrait à chaque citoyen de suivre en temps réel la mise en œuvre des recommandations issues du dialogue. Dans le même esprit, la création d’un Observatoire national de la Transparence et de l’Inclusion (ONTI), adossé au HCDS, pourrait jouer un rôle crucial dans l’évaluation indépendante et régulière de l’état d’avancement des engagements publics.
Afin de préserver l’intégrité de cette dynamique et d’éviter toute tentative d’instrumentalisation politique, plusieurs garanties structurelles pourraient être envisagées. Parmi celles-ci, l’instauration d’une présidence tournante du HCDS, alternant entre des représentants de l’État et de la société civile, permettrait de préserver l’équilibre entre les différentes forces sociales. Lors du dialogue social, la mise en place d’un collège d’experts indépendants, désignés pour animer les débats de façon impartiale, assurerait la crédibilité technique des travaux. Par ailleurs, l’organisation régulière de forums régionaux de dialogue dans toutes les zones du pays offrirait une expression concrète à l’idéal d’inclusion territoriale, en donnant la parole aux jeunes, aux femmes et aux acteurs des zones périphériques trop souvent marginalisés dans les processus décisionnels.
Ces propositions s’inscrivent pleinement dans la vision d’une gouvernance ouverte, participative et ancrée dans les valeurs républicaines de justice, d’équité et de solidarité. Elles visent à rétablir la confiance entre les citoyens et l’État, à renforcer la cohésion sociale et à faire du dialogue social un véritable outil de pilotage de l’action publique. En offrant un espace structuré pour l’expression des tensions, elles permettent également d’anticiper les crises et de construire une paix sociale durable, condition indispensable à toute ambition de développement.
En lançant cette initiative, le Président Bassirou Diakhar FAYE pose les fondements d’une gouvernance rénovée. Mais pour que cette ambition porte ses fruits, elle doit être traduite en mécanismes institutionnels robustes, transparents et inclusifs. Le moment est venu d’agir avec audace, méthode et vision. En donnant au dialogue social la place qu’il mérite dans l’architecture républicaine, le Sénégal peut non seulement consolider sa démocratie, mais aussi s’ériger en modèle d’innovation démocratique sur le continent africain.

Par Pr. Salif GAYE — Ambassadeur de la Paix, GPPI Sénégal
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