Par Salif GAYE, Professeur Titulaire des Universités
Chaque année, des dizaines de milliers de jeunes décrochent leur baccalauréat au Sénégal.

post Chaque année, des dizaines de milliers de jeunes décrochent leur baccalauréat au Sénégal. Pour ces nouveaux diplômés, c’est souvent le début d’un parcours semé d’incertitudes : quelle filière choisir ? Quelle université intégrer ? Quelles chances de réussir et d’accéder à un emploi à la fin des études ?
Face à l’augmentation continue du nombre de bacheliers, nos universités publiques sont aujourd’hui saturées. Même l’Université Numérique Cheikh Hamidou Kane, conçue pour accueillir un grand nombre d’étudiants à distance, est proche de la limite avec plus de 70 000 étudiants. Il devient donc urgent de revoir notre manière d’orienter les étudiants après le bac, pour mieux les former et garantir leur avenir.

Un système d’orientation à repenser

Actuellement, l’orientation des bacheliers ne repose pas sur leurs choix initiaux, leurs profils, leurs projets ou les capacités réelles des établissements. Résultat : certains se retrouvent dans des filières inadaptées, d'autres n'ont pas accès aux formations de leur choix, et beaucoup abandonnent en cours de route.
Il est temps de mettre en place un système d’orientation plus juste, plus transparent, et mieux adapté aux réalités de chaque étudiant. L’objectif n’est pas de limiter les ambitions, mais de mieux guider les jeunes vers les filières et les établissements où ils ont les meilleures chances de réussite.

Le privé comme complément, pas comme concurrence

L’État continue d’orienter des bacheliers vers des établissements privés, ce qui est loin d’être un plan B car ces structures peuvent offrir une formation de qualité, à condition d’être bien encadrées.
L’État subventionne ces orientations, à hauteur d’environ 400 000 FCFA par étudiant et par an. Cela reste bien inférieur au coût global d’un étudiant dans une université publique (près de 1,5 million FCFA par an). Mieux utiliser cette possibilité pourrait à la fois soulager nos universités publiques, améliorer l’accompagnement des étudiants, et réaliser des économies.

Une orientation mieux organisée, des gains pour tous

Imaginons un système où :
• Les bacheliers sont orientés vers le public ou le privé en fonction de leur profil et des capacités disponibles ;
• L’État prend en charge les frais des étudiants orientés vers des établissements privés accrédités et bien évalués ;
• Les universités publiques accueillent en priorité les étudiants aux profils correspondant à leurs filières, tout en conservant un rôle de moteur de l’égalité des chances.
Résultat : moins d’encombrement des universités, plus de réussite, et des économies réinjectées dans le système éducatif.

Un exemple chiffré : des économies possibles

Prenons l’exemple de l’orientation des étudiants vers les établissements d’enseignement supérieur privé. Lorsqu’un contingent de 10 000 étudiants est orienté vers le privé, l’État engage environ 4 milliards de francs CFA en subventions. En comparaison, si ces mêmes étudiants avaient été accueillis dans le public, le coût aurait été d’environ 15 milliards de francs CFA. Cela représente donc une économie nette de 11 milliards de francs CFA pour le système.
En étendant ce raisonnement, orienter 20 000 étudiants vers le privé coûterait à l’État 8 milliards de francs CFA, contre 30 milliards de francs CFA dans le public, soit une économie globale de 22 milliards de francs CFA. Pour 30 000 étudiants, l’économie atteindrait 33 milliards de francs CFA, les subventions au privé s’élevant à 12 milliards, contre un coût de 45 milliards dans le public.
Ces chiffres illustrent clairement qu’une politique d’orientation plus efficiente, accompagnée d’un appui ciblé aux établissements privés de qualité, peut engendrer des bénéfices significatifs pour l’ensemble du système d’enseignement supérieur.

Pour une réforme progressive et concertée

Bien sûr, une telle réforme ne peut se faire du jour au lendemain. Elle doit être progressive, inclusive et fondée sur le dialogue entre tous les acteurs : élèves, parents d’élèves, enseignants, universités publiques et privées, autorités éducatives, etc.
Il est important d’accompagner cette évolution par :
- Des campagnes d’information claires et accessibles ;
- Des critères d’orientation transparents ;
- Des mécanismes de suivi et d’ajustement.

Former mieux pour bâtir l’avenir

Offrir à chaque bachelier une formation adaptée, valorisée et reconnue : voilà le vrai défi. Pour y parvenir, il faut accepter de faire évoluer notre système, sans jamais renoncer aux principes d’équité et d’excellence.

La jeunesse sénégalaise mérite un système d’enseignement supérieur solide, inclusif et tourné vers l’avenir. Mieux orienter nos bacheliers, c’est leur donner les moyens de réussir, et préparer un Sénégal prospère plus fort, plus compétent, plus juste.

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Mieux orienter nos bacheliers, c’est leur donner les moyens de réussir, et préparer un Sénégal prospère plus fort, plus compétent, plus juste.

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